Nous souhaitons réaliser un portrait de la Bosnie-Herzégovine actuelle en utilisant les médiums que sont la photographie et la vidéo, et cela à travers plusieurs individualités connues ou rencontrées au gré du chemin parcouru.

Durant notre adolescence, les images reportées du conflit ont suscité en nous frustration et découverte d’une violence étrangère. Sentiment de frustration dû à notre impuissance et à notre impossibilité d’agir face à cette réalité. Nous demeurions de simples témoins passifs.
Lorsque nous nous sommes rencontrés, en septembre 2004, l’un de nous deux avait déjà parcouru les pays Slaves du Sud, découvrant la Bosnie-Herzégovine ainsi que la vie de certains de ses habitants. Nous avons dès lors nourri le souhait de partir là-bas ensemble, d’accomplir par un geste documentaire, une approche de ces cultures et de ces individualités.
Notre démarche se définit par notre volonté de montrer ce qu’il y a de commun dans ce monde de différences, conscientiser la population sur la valeur et l’importance de l’altérité.
Sensibiliser le spectateur, plongé dans sa découverte de nos portraits photographiques et filmiques, sur l’importance du respect du sujet capté. Ces hommes et ces femmes ont le goût de l’espérance, créant en eux rêves et désirs d’une vie meilleure et plus juste, et cela malgré des souvenirs et des souffrances violentes.
Il faut maintenant aller au-delà du souvenir du conflit, plus loin que les stigmates encore visibles de la guerre, plus loin que le constat d’une cohabitation difficile entre communautés.
Traduire l’humanité de tous ces regards, traduire la vie, la liberté, l’espérance, leur simple espoir de vivre.

Nous souhaitons, pour ce projet, réaliser des portraits d’individualités.
Le témoignage de ces hommes et femmes approchés, représentera chacun une expérience de vie, une réalité et une identité différente. Chacune des figures choisies sera donc unique.
Oublier ou transcender la différence ethnique qui caractérise la Bosnie-Herzégovine, qui bien trop souvent a tendance à classifier, enfermer, stigmatiser hommes et femmes, à séparer leur réalité et leur humanité.
Conscientiser notre voisin européen - spectateur, de l’importance de vivre ensemble, dans le respect de l’autre. Apprendre, comprendre par l’apprentissage de l’autre et tolérer un paysage existentiel différent : individualité, physionomie, culture, habitudes et croyances.
Traduire et documenter la réalité Bosniaque afin que le spectateur comprenne, malgré toutes les différences de ce peuple, passé conflictuel, intolérances, guerre et crimes récents, qu’il se trouve en chacun d’eux une individualité digne d’être approchée et tolérée.

L’accomplissement n’est pas en soi, il est vers l’infini, vers l’avant, vers l’autre.

Afin de représenter le plus sensiblement possible, les différentes individualités de la population Bosniaque, nous emprunterons un chemin étudié en amont, contenant plusieurs villes importantes comme Sarajevo, Mostar, Banja Luka, Bihac et Livno.
Villes de l’Herzégovine du Sud et villes de la Bosnie du Nord, deux régions différentes.

Une situation géographique changeante et une diversité de lieux culturels et historiques.

Lors d’un premier voyage en Bosnie-Herzégovine , l’un d’entre nous a lié des liens d’amitié et d’échanges avec certains habitants de ces dernières villes.
Par ces liens entretenus, les villes parcourues et les routes empruntées resteront familières.
Nous serons, dans chacune des ces villes, accueillis et hébergés par nos amis, merveilleux moyen de vivre parmi le peuple Bosniaque, dans leur maison et au rythme de leurs habitudes et de leurs coutumes. Cela permettra une observation de l’environnement qui nous sera simplifiée par la présence de nos amis, traduisant les conversations engagées lors d’échanges humains et de témoignages filmiques.

La connaissance de certains milieux constitués de contacts et d’amis n’empêchera pas l’incursion du hasard qui permettra au gré des routes, des paysages et des villages de rencontrer de nouvelles figures.

Notre geste documentaire est simple, il s’agit de partager le quotidien des individualités approchées. C’est en ce geste que notre humanité interviendra. Nous approcherons avec humilité et empathie hommes et femmes, afin que notre caractère, notre histoire personnelle s’effacent devant leurs réalités. L’intérêt de ce travail est basé sur l’aptitude à écouter, à ressentir et à observer avec clairvoyance. Ainsi il nous sera possible de capter leur réel par le biais de nos médiums.

Notre désir le plus profond est d’aller vers l’autre, de décrire ses sentiments, ses craintes, ses rêves et espérances. Respecter l’humain en l’écoutant.

Ce travail sera diffusé lors d’expositions dans lesquelles les portraits photographiques seront confrontés et mêlés aux portraits filmiques de mêmes individus.
Dans sa découverte de l’installation, le spectateur se retrouvera face aux portraits photos, portraits simples et épurés des individualités approchées.

Dans un espace proche, un écran vidéo diffuse le portrait filmique documentaire du sujet antérieurement découvert, observation de son geste quotidien par la captation du réel.

Ce travail sera constitué de 12 portraits photographique et de 12 portraits filmique.

Cette disposition permet deux approches opposées et qui pourtant se complètent :

La première, photographique, invite le spectateur à la déduction et l’extrapolation.Visualiser le portrait peut provoquer en lui imagination et spéculation.
Du fait de l’aspect figé qu’impose le tirage photographique, le portrait représentant « l’autre » suscite chez le spectateur l’interrogation et la curiosité. Cette dernière découverte engendre les jugements hâtifs et les interprétations personnelles de l’image : contexte et espace.
L’absence de mouvement et d’espace temps entraîne le spectateur dans son imaginaire et subconscient recréant un espace et un contexte animé. Il peut alors se construire un « film » dans lequel le sujet vivant évolue.

En lui proposant une seconde approche, vidéo, on offre au spectateur la possibilité d’aller au-delà de son interprétation personnelle et de lui faire voir la réalité et l’authenticité du dernier sujet, lui permettant d’approcher son réel, son quotidien, sa vie.
Ce portrait sera constitué de gestes, d’action, de silences et d’écoute.
Grâce à ce formidable moyen d’enregistrer la vie, il ressentira toutes sortes d’émotions créées aussi par des mots échangés sur le rêve, l’espérance et les attentes du sujet.

Nous espérons que la pertinence de ce concept, provoquera chez le spectateur l’envie ou le besoin de s’oublier face au portrait proposé.
Trop souvent, notre habitude, face à l’observation ou à la relation à autrui, (ici une photo), est de rechercher une correspondance à notre vécu. Ne s’arrêter qu’aux signes, c’est méconnaître l’humain.

Nous avons confiance en l’Homme et ses possibilités, c’est pour cela que nous aimerions faire évoluer les conclusions hâtives que traduisent ses préjugés déconstruisant le réel.

« La photographie n’est qu’une inépuisable invitation à la déduction, aux spéculations, à l’imagination. Au sens strict, on ne comprend jamais quoi que ce soit à partir d’une simple photo ». Susan Sontag

Notre idée est donc de créer un espace commun entre le sujet et le lecteur, en lui offrant la possibilité de découvrir le pouvoir narratif de l’image en mouvement, le témoignage filmique. Ainsi le spectateur découvre la réalité du sujet, qui lui permet de dépasser son jugement.